Franpi Barriaux // CitizenJazz (16 avril 2023)

L’opiniâtreté de Bertrand Gastaut, le patron du label Dark Tree, à défendre la mémoire et surtout la musique du pianiste Horace Tapscott à travers une documentation riche est absolument louable et tout à fait passionnante. Inutile de revenir sur la personnalité et la musique de Tapscott : de cela, les disques précédents, de 1998 comme de 1976, nous en donnaient pleinement lecture. Avec Legacies For Our Grandchildren, ce nouveau live de 1995, ce n’est pas à proprement parler une nouvelle facette de Tapscott que nous découvrons, mais plutôt une confirmation de son sens du blues et de sa capacité à s’entourer de musiciens fidèles, sans chercher le all-stars. Comme toujours dans les orchestres de Tapscott, on est surpris, voire charmé par le tromboniste. Ici Thurman Greene, un musicien habitué aux big bands des années 80, au jeu typique de la côte Ouest.

Sur le Standard « Motherless Child », son jeu de coulisse à la fois suave et très précis fait merveille, avec beaucoup de liberté ; pour le reste, on retrouve les classiques de Tapscott, ceux qui font toute sa marque de fabrique : une rythmique puissante, menée avec rigueur par la contrebasse de Roberto Miranda en télépathie avec le piano, et un goût pour le temps long, une montée en puissance sereine. Dans ce morceau, l’intervention de Dwight Trible au chant, là aussi simple et précise, est sans doute le sommet de l’album. Il se passe, tout au long du concert, quelque chose qui relève de la célébration, de la joie pure et simple et qui commence dès « Ballad For Deadwood Dick » et son piano frappeur, puissant dans les basses, qui offre beaucoup de liberté à ses compagnons.

Le rôle du batteur Fritz Wise est là aussi primordial. Régulateur sur « Breakfast at Bongo’s », ce qui permet à Horace Tapscott de s’échapper avec le saxophoniste Michael Session, un de ses fidèles encore, il clôt un quintet ramassé, tout droit destiné à faire vibrer l’auditoire, tout comme le pianiste sait le faire sur « Close to Freedom » où il s’offre un moment intime avec Miranda, son indéfectible alter-ego. Avec ce nouveau témoignage de la vivacité de la côte Ouest au milieu des années 90, Dark Tree nous ravit.

 

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