Jean-Michel Van Schouwburg // Orynx (13 novembre 2019)

Label français, Dark Tree se spécialise dans des albums inédits de John Carter, Bobby Bradford ou Horace Tapscott et des nouvelles productions de l’actualité de la scène française. Deux albums des trios Sens Radiants  (Daunik Lazro, B.Duboc et Didier Lasserre) et En Corps (Eve Risser, Duboc et Edward Perraud), Julien Desprez avec Mette Rasmussen ou Tournesol, … . Ce duo de Sylvain Kassap avec l’omniprésent Benjamin Duboc (cfr catalogue Dark Tree) révèle toute la musicalité de ce clarinettiste qui incarne autant le sens de la forme que de belles qualités d’improvisateur sensible et qui se sert de sa profonde connaissance musicale pour nourrir ses improvisations. Suivi à la trace par le jeu discret et aérien de son partenaire, il décante l’esprit et les traces du blues en ouverture (vers le bleu 16 :34). Benjamin Duboc cultive le sens du rythme même quand celui-ci est à peine marqué. Une fois l’ambiance installée lors de cet agréable  concert au Comptoir de Fontenay sous Bois, les échanges improvisés se précisent et l’imagination est sollicitée pour trouver des figures, des sons, des réactions instantanées que le morceau soit court (c’est narcisse qui danse 03 :32), ou beaucoup plus long (le ventre de socrate 19 :50). La clarinette basse grasseye, puis pépie et se lance franchement dans le registre aigu ou déboule en entraînant les graves en tranchant l’air avec les notes hautes qui mordent ou roucoulent, alors que le contrebassiste flotte dans le registre sombre, clair obscur faisant gronder doucement le bois de l’âme. Une musique à la fois franche et délicate. Benjamin Duboc  prend son temps avant de suggérer une idée aussitôt régurgitée dans le grésillement de l’anche. L’archet frôle la corde et c’est sa vibration qui se révèle à nous comme un gros insecte qui s’élève dans le soir tombant. Favorisant une construction lente, les duettistes vident le sac de l’instant, aspirent lentement le suc de la fleur avant d’asticoter le bec à coups de langue et de faire rebondir l’archet. Une histoire se raconte et on écoute les détails de la péripétie en se convaincant que le plus intense, le dénouement tragique est à venir au terme des dix neuf minutes qui égrènent lentement les timbres, les sons, la dynamique d’un jeu alangui. Sa marche ralentit jusqu’ au moment où pointe une mélodie fugace et les morsures du temps pour concentrer notre imagination d’auditeur dans un au-delà impalpable, inconnu. La musique de l’instant qui fuit. C’est beau. Le reste a le mérite d’ajouter du mystère. Une émotion sincère dans un registre polymodal / folklore imaginaire de bon aloi. Faites en cadeau à ceux que « notre » musique déroute, la musique de Kassap et Duboc est une belle porte d’entrée.

 

 

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