Jean-Michel Van Schouwburg // Orynx (4 juillet 2019)

La formule duo  guitare électrique – saxophone est un fil rouge de la free – music depuis les concerts et enregistrements révolutionnaires de Derek Bailey avec Evan Parker (the London Concert – Incus 15 rééd Psi) ou Anthony Braxton (DUO Emanem 601 1974 rééd Emanem 5038) ou encore les duo Fred Frith – John Zorn (The Art of the Memory - Incus CD 20). Dark Tree vient de publier une sorte de poursuite – sequel – réévaluation de ce format fascinant avec de jeunes musiciens révélés il y a quelques années. En effet, Dark Tree avait déjà publié un album avec Julien Desprez assez noise(Tournesol). Et le présent duo permet encore de mieux cerner sa démarche. Je trouve très réjouissant que des femmes improvisent au saxophone, cela déplace les repères relatifs au sexe etc…. ce qui doit se concevoir dans une musique où la liberté (totale ?) assumée , revendiquée est le maître-mot. Mette Rasmussen essaye avec énergie et imagination de faire vibrer l’anche de son alto et d’articuler, vibrer, malaxer des sons en relation avec les (relativement) surprenantes inventions sonores de son vis-à-vis, lequel actionne pédales et effets de manière à saturer, dénaturer, parasiter le son amplifié de la guitare. Sons sens de la dynamique est excellent et sa lisibilité stupéfiante. Leurs actions sonores se développent, se différencient, se métamorphosent avec autant de cohérence que de diversité dans les agrégats, les timbres, la saturation du son, les intensités. Il n’y a pas souvent redite. Il existe une série de saxophonistes plus passionnants à mon avis, mais il faut reconnaître que the Hatch (le duo) fonctionne très bien et que Mette est, comme on dit, « habitée » par quelques ghosts ou spirits qui nous attirent dans un au-delà qui nous manque. Dans la suite des prises de sons, le délire et l’invention sonique de Julien Desprez feront halluciner les amateurs de noise (Haino, Rowe, Mizutani ou le jeune Nicola Hein). Il y a une richesse dans son travail sonore qui sublime l’astringence, le bruitisme électro(cuté)… entre autres un sens du timing peu commun (Twin Eye), une lisibilité efficace et une invention toujours renouvelée, inspirant et poussant sa partenaire à investiguer d’autres matériaux plus avant. Je recommande vivement l’écoute de cet album, spécialement aux auditeurs qui essayent d’appréhender cette musique et d’en rechercher les meilleures choses. Avec bonheur, ce duo réussi évite plusieurs écueils et se révèle comme un point de référence valable dans ces démarches musicales (avec une telle conception guitaristique) parmi pas mal d’autres.

 

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