Franpi Barriaux // CitizenJazz (February 17, 2019)

Rare dans les productions récentes, trop même si l’on excepte sa participation au disque de Pascal Niggenkemper, c’est une fête que de retrouver Sylvain Kassap dans un très joli numéro de duettiste avec le contrebassiste Benjamin Duboc. Funambule, le mot est bien choisi, il correspond aux deux artistes et à la capacité de se suspendre à plusieurs mètres au-dessus du précipice. C’est le principe de la musique improvisée, et nous sommes face à des acrobates en la matière. Se plonger dans « Le Ventre de Socrate », c’est s’en convaincre : la contrebasse de Duboc saute de claque en claque sur le bois comme autant d’entrechats. Le fil tremble, il ne cède pas. La clarinette basse se faufile, fait fi d’une certaine dramaturgie induite par l’archet de la contrebasse et se révèle d’une grande agilité.

Il y a entre les deux une confiance commune, naturelle, c’est la raison d’être de ces duos lancés à l’aventure. Pas de recherche de vitesse, de course, de tangage. Au contraire, la concorde domine, coûte que coûte. Dans « La Métamorphose de la poussière », remarquable et court exercice de déambulation en tapinois où Duboc, fil d’Ariane de ce disque, emmène Kassap aux confins du souffle, il n’y a pas de volonté d’être périlleux ou de mettre en danger. Le fil et le balancier, à la rigueur la roue d’un monocycle qui file… Mais le résultat est davantage brillant que clinique. Tout coule de source, et nous sommes avec eux à l’aplomb de l’horizon. Sans risque de chute.

C’est sur Dark Tree que paraît le Funambule . Naturellement, est-on tenté de dire. Depuis longtemps le label est fidèle à Benjamin Duboc, et ce disque enregistré au Comptoir de Fontenay-sous-Bois au tout début de l’année 2019 est tout entier sur son terrain, fût-il dans les nuages. Rangé sous une citation de Jean Genet en guise de pochette, Le Funambulea la légèreté d’une paillette d’or, mais n’en n’a en aucun cas la futilité ; à peine en saisit-on une certaine fugacité, dans le babil soudain du contrebassiste sur « Vers le Bleu ». Mais tout ceci n’est qu’un des ingrédients de la belle poésie qui se dégage et laisse l’auditeur rêveur. C’est le but affiché des numéros d’acrobates de ces deux improvisateurs.

 

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