Nicolas Dourlhès // ★ÉLU★ CitizenJazz (8 septembre 2019)

Attentif à explorer la vitalité et la créativité de la scène improvisée actuelle, le label Dark Tree nous propose avec cette nouvelle référence une photographie forcément dynamique de la rencontre entre la Danoise, saxophoniste alto, Mette Rasmussen et le Français, guitariste électrique, Julien Desprez. Sous le nom de The Hatch, ces deux anciennes connaissances (ils se pratiquent depuis longtemps et jouent ensemble au sein du quartet BIC) misent sur la connivence. Le brûlot fracassant qui sert d’entame au disque tient d’ailleurs du match de boxe entre gens de bon goût.

Respectueusement mais sans jamais faiblir, ils se rendent coup pour coup. Les heurts, les ruptures, le refus de s’installer dans l’évidence, le choix de s’écarter pour mieux se rejoindre, de mieux s’atteindre puis se disjoindre font de cette introduction une chorégraphie que le reste du répertoire, de manière moins abrupte, détaillera dans les moindres recoins.

Combinant alliance et alliage, les deux instrumentistes forgent une identité unique qui bien souvent trouble l’oreille. Acoustique et électrique ne sont pas ici en opposition, les sonorités se recouvrent souvent en entretenant une confusion fertile. Dans le continuum tumultueux qui se forge, la dynamique générale en tire tout bénéfice. Le discours où chacun se fracasse contre l’autre invente alors une machine à deux têtes qui progresse inexorablement.

Rien de forcené pour autant : l’écoute attentive montre un travail étudié sur la texture et la densité. Les effets de souffle ou de chuintements, de tubes flûtés et de claquements de langue de la saxophoniste montrent sa capacité à prendre à bras-le-corps l’amplitude large de son instrument. Pas seulement adepte du cri, elle confronte les outils qu’elle a à sa disposition à ceux de son partenaire qui aussitôt les remodèle ou les patine.

A partir de bruits de métal ou de liquide, de bourdonnements ou de claquements, Julien Desprez déploie une virtuosité bousculée. Par des effets de brisures ou d’échos lointains, dans une démarche où le corps à corps à toute sa dimension, il élargit volontairement les arabesques massives de Rasmussen. Leur pratique du hachage, du processus labyrinthique terminé par un mur ou ouvert sur le vide jouent autant de la vitesse que de ralentis lancinants. Ils construisent avec une esthétique industrielle sans froideur qui creuse d’âpres veines aux incroyables ressources énergétiques.

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