Chronique par Guy Sitruk sur Jazz à Paris (26 février 2018)

Shame on me : je ne connaissais pas les musiciens de cet album : Daniel Levin (vlc), Chris Pitsiokos (as) et Brandon Seabrook(g). Un rapide survol du Net m’apprend qu’il s’agit de musiciens déjà bien établis sur la scène de l’avant-garde de New York.

Honte à moi : Stomiidae, qu’est-ce donc ? Encore une fois le Net vient pallier ma crasse ignorance. Il s’agit d’une famille de poissons des abysses, encore appelés Dragons à écailles. Elle vient aussi donner son nom à l’album, les titres étant des espèces de cette famille (adieu les métaphores de circonstance).
Cet exercice étant à présent bâclé, passons à notre passion, la musique.

Pas la moindre once de mélodie (parfois deux notes répétées, ou des circonvolutions folles…). Pas de groove, bien évidemment. En fait, pas vraiment de point de repère.
On retrouve certes une énergie primale, déraisonnable,  comme celle d’un Free débridé. Mais la comparaison s’arrête là.
Dans cet album, la frénésie est partout, qu’il s’agisse du débit des sons, des changements et des entrelacs des matières sonores, des intensités, des ruptures ou des successions de segments très brefs …

Un fourmillements de rêves. Des chants d’étranges oiseaux. Une énorme ruche totalement affolée dont les dards aiguisés jaillissent en flux puissants et désordonnés. Une banquise ou de vieux meubles qui n’en finissent pas de se craqueler. Des mécanismes définitivement détraqués. Et comme des réminiscences de la Roue Ferris viennent ponctuer l’album. Chacun sera englouti par un flot d’images surgissant de sa mémoire.
Après le sentiment d’étrangeté des premières notes écoutées, et peut-être une certaine forme de résistance, l’acceptation (ah, ça me rappelle un titre chez Improvising Beings).
Et très vite la nécessité de la réécoute. À chacune, de nouvelles surprises, de nouvelles associations, et finalement, quelques points de repère.
L’alliage entre les univers de ces trois fous de musique est totalement enivrant. Le jazz (quel autre nom donner ?) prouve une fois de plus son incroyable capacité à créer de nouveaux langages, de nouveaux véhicules d’émotion.
Brandon Seabrook, Chris Pitsiokos et Daniel Levin : encore trois artistes à mettre au chaud dans notre mémoire.

Au fait, doit-on s’étonner de cette nouvelle réussite du label DarkTree ?

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